Faubourg Saint Germain, quartier des ministères

A la fin du XVIIᵉ siècle, le faubourg Saint-Germain compte moins d’une dizaine d’hôtels particuliers, dispersés entre les jardins et terrains vagues qui couvrent ce quartier excentré de Paris. L’urbanisation s’accélère avec la construction de l’hôtel des Invalides (1671-1706), puis celle du Pont Royal (1685-1689) qui facilite la circulation d’une rive à l’autre. Par ailleurs, l’atmosphère pesante de la cour de Versailles à la fin du règne de Louis XIV et la volonté du Régent de rester au Palais-Royal en 1715 poussent la noblesse vers la capitale. Quand le pouvoir quitte à nouveau Paris en 1722, les aristocrates qui s’était précédemment installés dans le Marais, délaissent ce quartier pour la rive gauche située sur la route de Versailles. A la mode, le faubourg, avec ses vastes parcelles disponibles, attire les architectes en vogue et les spéculateurs qui élèvent, pour les revendre, des demeures dignes de cette clientèle exigeante. C’est dans ce contexte que se construit l’hôtel de Brienne. 

Plan du quartier du Faubourg-Saint-Germain dans l'ancien 10e arrondissement en 1834

Sous la Révolution, le retour du Pouvoir à Paris en octobre 1789 pose la question de l’installation des ministères. Dans un premier temps, la Marine obtient quelques pièces de l’hôtel du Garde-Meuble, les Relations extérieures sont dispersées dans plusieurs immeubles rue de Bourbon et rue d’Artois, le ministère de la Guerre investit un hôtel particulier de la Chaussée-d’Antin… les administrations se logent où elles peuvent, en fonction des opportunités. La Convention (1792-1795) qui cherche à remédier à ce désordre va profiter de la disponibilité de nombreuses propriétés confisquées à la noblesse (émigrés, emprisonnés, condamnés à mort), dont beaucoup se trouvent dans le faubourg Saint-Germain. Les ministères occupent alors, tant bien que mal, ces élégantes demeures nichées entre « cour et jardin », cachées derrière leur porte monumentale et adaptées à cette destination imprévue. Le ministère de l’Intérieur élit domicile à l’hôtel de Brissac, rue de Grenelle, celui des Cultes à l’hôtel de Soyecourt, rue de l’Université, les Relations extérieures dans l’hôtel Gallifet situé rues de Varenne et de Grenelle, tandis que le ministère de la Guerre occupe plusieurs hôtels entre les rues de Varenne et Saint-Dominique.

Cette implantation dans le « noble faubourg » se confirme sous les régimes suivants. En 1808, Napoléon souhaite faire élever sur le quai d’Orsay, juste à côté de l’hôtel de Salm (Légion d’honneur) un hôtel pour le ministère des Relations extérieures, un second pour celui de la Police et deux pour le Royaume d’Italie (Relations extérieures et Secrétaire d’Etat d’Italie). Un projet qui ne verra jamais le jour, mais qui, pour la première fois, envisage la construction « sur mesure » d’édifices pour les ministères. Sous la Restauration, l’hôtel de Brienne, racheté à Letizia Bonaparte, est attribué au ministère de la Guerre et celui de Rochechouart devient le siège du ministère chargé de l’Éducation. C’est en ce lieu, que, dans les années 1880, Jules Ferry, fait naître l’école républicaine, gratuite et laïque. La monarchie de Juillet installe les Travaux publics dans l’hôtel de Roquelaure à partir de 1840 (actuel ministère de la Transition écologique). Au XXᵉ siècle, l’hôtel Matignon devient la résidence officielle du Chef de Gouvernement - Léon Blum sera un des premiers à s’y installer en 1936 - et l’hôtel de Clermont, un des plus anciens hôtels particuliers du faubourg Saint-Germain, propriété de l’Etat depuis 1948, accueille désormais le ministère des Relations avec le Parlement.

Le bureau de Georges Clemenceau reconstitué

Si la « colonisation » de ces anciennes résidences aristocratiques par l’administration a parfois été à l’origine de quelques aménagements malheureux, elle a permis l’entretien et la préservation d’un patrimoine qui aurait peut-être sans cela disparu. A l’hôtel de Brienne, la restitution « à l’identique » du bureau de Charles de Gaulle (1982), les travaux de rénovation menés en 2001-2012 ou encore la restauration du bureau de Clemenceau en 2015-2016 ont contribué à ancrer dans l’Histoire un bâtiment qui demeure de pleine actualité au service de la République.

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